NEADS Conférence 2004 - Tout Droit!

Conférenciers

Jim Derksen

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Biographie

Jim Derksen est né en 1947 à Morris, une petite communauté agricole du Manitoba. Il est devenu handicapé lors de l’épidémie de polio de 1953 et se déplace en fauteuil roulant depuis ce temps. Il a participé à la fondation du Conseil des Canadiens avec déficiences (auparavant le CCD), dont il a été président, le Canadian Disability Rights Council et divers autres organisations de droits des personnes handicapées. Il a également été nommé à quelques reprises par le Conseil Privé et des décrets ministériels au sein de bureaux consultatifs et de réglementation. Jim est l’ancien président du comité des droits de la personne du CCD.

Jim Derksen vit à Winnipeg où il travaille comme consultant au Manitoba. Il est père célibataire d’une fille de 16 ans.

Rapport

Le président de la conférence de NEADS, Jason Mitschele, présente Jim Derksen à l'occasion du banquet de samedi soir.

Derksen est né en 1947 à Morris, une petite communauté agricole du Manitoba. Il a commencé à se déplacer en fauteuil roulant après avoir été atteint de polio en 1953. Depuis cette époque, Derksen a fondé le Conseil des Canadiens avec déficiences (CCD), le Conseil canadien des droits des personnes handicapées (CCDPH) et plusieurs autres organismes de promotion des droits des personnes handicapées. Son discours porte sur l'histoire du mouvement de personnes handicapées au Canada.

Derksen exprime son plaisir d'assister à la conférence et de rencontrer un groupe si nombreux de jeunes dotés de qualités de leadership et d’un potentiel considérable. Il dit avoir été impressionné et encouragé par ce qu'il a pu voir et par la qualité des conférenciers et du programme des ateliers.

Cela fait longtemps qu’il est actif dans le mouvement de personnes handicapées, dit Derksen – depuis 1972. Il a beaucoup d'histoires à raconter et a participé à de nombreuses décisions stratégiques prises au fil des ans.

Derksen rappelle qu'à l'époque de sa naissance, les personnes handicapées étaient vues dans un contexte moral. Les personnes handicapées étaient automatiquement reléguées à un rôle de mendiant. Partout au monde, y compris au Canada, les personnes handicapées étaient vues comme des indigents méritoires qui avaient peu d'options dans la vie. Certaines devenaient des réparateurs de montres, celles atteintes de cécité faisaient des chaises ou réparaient les pianos. À l'époque, les organismes d'aide étaient des œuvres caritatives. Bien que beaucoup d'entre eux aient évolué, ils fonctionnent toujours comme des œuvres caritatives. Une caractéristique importante de ces organismes est qu'ils étaient pour la plupart implantés en milieu urbain, et c'est là que les lois et les institutions ont été créées pour permettre l’entreposeage des personnes handicapées. Ces dernières étaient considérées comme moralement inférieures et les organismes caritatifs étatiques étaient enclins à voir à ce que les pauvres demeurent à leur place.

L’autre type de cadre utilisé était le modèle médical. L'idée s’est progressivement imposée que les personnes handicapées représentaient une menace pour le patrimoine génétique parce qu'elles étaient biologiquement inférieures. Être handicapé revenait à faire honte à a sa famille. Des expressions comme « une hérédité chargée » et « de mauvaise souche » étaient employées pour indiquer une infériorité biologique. La mise à mort des personnes handicapées était pratique courante dans tout le pays. La stérilisation était également pratiquée, et souvent les gens n'étaient même pas informés qu'ils avaient été stérilisés.

Un autre aspect du modèle médical était de l’idée de « réparer » ce qui était « brisé. » Par exemple, les gens atteints de polio étaient équipés d’appareils orthopédiques et informés qu'ils pouvaient de nouveau marcher. La profession médicale n'aime pas qu'on lui rappelle ses échecs lorsque les résultats attendus ne se produisent pas. Une approche est axée sur l’obtention de ressources financières pour trouver comment guérir les maladies; une autre sur la transformation de la société pour que les personnes handicapées puissent y fonctionner.

À la fin des années 60 et au début des années 70, dans le sillage du mouvement pour la défense des droits civiques et du mouvement féministe, il est apparu important de changer de vocabulaire. La langue devait évoluer pour que les questions en viennent à être vues sous un éclairage différent. Des expressions comme « Black is beautiful » et « Black Power » en sont des exemples venant des États-Unis.

Cette évolution de la langue soulignait l'idée radicale que le problème ne résidait pas dans les personnes, mais dans la façon dont la société les percevait. Les gens ont commencé à prendre conscience du fait que, puisque l'environnement social étant une construction humaine, il pouvait également être déconstruit. Il n'était pas immuable et on pouvait le tester et le critiquer. C'est ainsi qu'au cours des années 70 les premiers codes des droits de la personne sont apparus. La Nouvelle-Écosse a été la première province légiférer le droit d'être protégé contre la discrimination dans l'emploi et dans la prestation de biens et de services. À l'époque, il n'était encore nullement question d'aménagements.

Derksen donne ensuite plusieurs exemples de précédents dans le domaine des droits de la personne qui mettent en cause des personnes handicapées. Il souligne l'importance de la protection des droits de la personne et du besoin de saisir la Commission des droits de la personne des plaintes à cet égard. Le problème, c'est que les litiges sont tranchés individuellement, si bien que le système ne change pas.

En 1980, la Coalition des organisations provinciales ombudsman des handicapés, qui s'appelle aujourd'hui le Conseil des Canadiens avec déficiences, a été formée. L’union faisant la force, il valait mieux se réunir et mettre en commun le savoir et l’expérience, plutôt que de laisser les différences séparer les personnes concernées. Par la suite, ce regroupement a pu exercer une influence plus grande sur les politiques publiques, grâce à quoi, en 1980-1981, le Parlement du Canada a présenté le rapport Obstacles, qui comportait 130 recommandations pour changer les infrastructures, comme celles des transports et des communications, en vue de faciliter l'intégration des personnes handicapées dans la société. Ce rapport constitue un tournant historique.

À cette même époque, la décision a été prise de former des groupes nationaux et internationaux pour surmonter les difficultés rencontrées pour organiser les groupes locaux et provinciaux. De ce fait, les organisateurs ont été en mesure d'influer sur le contenu du Programme d'action mondial et sur la normalisation de l'égalité des chances. Le travail aux niveaux national et international a permis de faire avancer les efforts « à la base ».

Une énergie considérable a également été consacrée à la Charte des droits et libertés. Derksen a été détaché auprès du Parlement à titre de conseiller pour la rédaction du rapport Obstacles. Une recommandation formelle visait à enchâsser la Charte des droits et libertés dans la constitution canadienne. Derksen décrit certaines tactiques employées par son groupe, par exemple de s'asseoir, « jour après jour », derrière des membres du Comité ou de les suivre jusque dans les toilettes.

Derksen donne plusieurs exemples d'arrêts de la Cour suprême sur l'égalité des droits. Dans un cas, lui et ses collègues ont formé une alliance avec un organisme de défense des droits de la femme, le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes (FAEJ). Ensemble, ils ont réussi à convaincre la Cour suprême de prendre des mesures pour protéger des groupes qui sont constamment vulnérables face à la discrimination. Dans une autre affaire, il était question du droit d'époux sourds de bénéficier de services d'interprétation pendant la naissance de leurs jumeaux dans un hôpital en Colombie-Britannique.

Derksen mentionne également l'arrêt Latimer dans lequel, malgré une opinion publique contraire, la Cour a reconnu le besoin d'une protection égale en vertu de la loi et la nécessité d'imposer une peine appropriée pour sanctionner le meurtre d'un enfant handicapé.

Derksen signale le travail important accompli par Steve Estey dans le dossier de la nouvelle Convention des Nations Unies (ONU) sur les droits et la dignité des personnes handicapées. Il invite les délégués à la conférence à travailler activement pour faire avancer cette convention jusqu'à l'étape de la ratification. Les stratégies activistes verticales et horizontales employées il y a 20 ans sont toujours valables pour la nouvelle convention et ce qui se passe au Canada – malgré l'existence de la Charte et du Code. Derksen affirme que le CCD porte un grand intérêt à ce projet. La convention de l'ONU met en lumière les situations déplorables qui existent dans le monde au sein d'établissements pour personnes handicapées. Il importe au plus haut point que ces situations soient exposées au grand jour.