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Jennifer J. Paterson

Biographie

Jennifer est inscrite au programme de maîtrise en études sur les déficiences graves à l’Université York à Toronto. Elle possède un baccalauréat ès arts en étude de la condition des personnes handicapées de l’Université Ryerson à Toronto. Elle occupe présentement le poste d’adjointe à la recherche au Centre for Voluntary Studies Sector Studies où elle réalise un projet sur les personnes handicapées et le bénévolat. Auparavant, elle avait occupé le poste d’adjointe à la recherche pour l’initiative des archives canadiennes sur les personnes handicapées. Jennifer a acquis de l’expérience en représentation des personnes handicapées et en soutien des étudiants durant son mandat de représentante étudiante au conseil d’administration de l’Association canadienne d’études sur le handicap et en fournissant de l’information sur l’emploi et les aptitudes à la vie quotidienne aux étudiants par l’entremise d’un centre local de ressources en emploi.

Réflexions sur les études de la vie sexuelle des personnes handicapées et sur l’inclusion des personnes handicapées dans les collectivités ayant une attitude positive envers l’expression de la sexualité

Jennifer J. Paterson, étudiante au programme de maîtrise en études critiques de la déficience, York University

Jennifer Paterson présente certains travaux portant sur la vie sexuelle des personnes handicapées. De plus, elle partage ses inquiétudes au sujet de la progression de ces travaux et fait état de ses recherches sur le lien entre la déviance, le BDSM (de l’anglais bondage, discipline, sadism, masochism) et la vie sexuelle des personnes handicapées.

Le modèle social de la déficience aborde la sexualité en fonction de l’accès. Cependant, si la sexualité est une question strictement privée, alors le modèle social ne peut aborder les défis auxquels sont confrontées les personnes handicapées. Madame Paterson croit que pour prêter attention à tous les droits de ces personnes, nous devons reconnaître que le plaisir charnel constitue un enjeu politique et une question d’ordre public.

La vie sexuelle des personnes handicapées a inspiré un éventail d’écrits qui interpellent les chercheurs. Cependant, la plupart de ces textes s’attardent aux questions cliniques. La notion de préjudice constitue l’un des thèmes sous-jacents de tels travaux, car la sexualité est perçue comme « dangereuse » ou risquée pour des personnes qui, croit-on, ne sauraient bien gérer l’intimité sur le plan émotif ou physique. En refusant de considérer la sexualité à travers toutes ses manifestations, on noie le concept de plaisir dans une mer d’études qui s’intéressent au préjudice et à la prévention des mauvais traitements, affirme Madame Paterson.

En vertu des recommandations de principe que formulent certains chercheurs, il faudrait interdire aux personnes handicapées de regarder des films à caractère sexuel qui comportent des scènes de violence, notamment des scènes de sadisme. Symptomatiques d’une pensée autoritaire axée sur la prestation de soins, de telles consignes trahissent une attitude négative envers l’expression de la sexualité ainsi qu’une vision normative qui nie le fait que l’acte sexuel transcende les notions classiques de sexualité.

Certains chercheurs relatent l’expérience des personnes handicapées gaies, lesbiennes ou bisexuelles. Ces travaux sont importants, car ils se distinguent de la plupart des autres qui s’attardent à des points de vue hétérosexuels. De clamer Madame Paterson, « il ne faut pas céder à la tentation de normaliser la sexualité ». Au contraire, la recherche devrait englober toutes les identités sexuelles, en particulier celles auxquelles la société occidentale accorde peu d’importance.

Commentant son projet de recherche, Madame Paterson signale que, même dans la collectivité homosexuelle, les discours ayant une attitude positive envers l’expression de la sexualité tendent à ignorer les personnes handicapées. Par volonté de transcender les normes de recherche axées sur une perspective clinique et hétérosexuelle, et dans le but de repousser les frontières de l’étude de la vie sexuelle des personnes handicapées, Madame Paterson a choisi, de manière stratégique, de centrer sa thèse de maîtrise sur la déviance et le BDSM, histoire de démontrer en quoi la sexualité constitue un enjeu public et politique dont on a fait une pathologie.

Tout d’abord, Madame Paterson démystifie la déviance et le BDSM, qui d’ordinaire reposent sur des règles de prudence et de consentement. Elle explique que sa recherche portait sur l’expérience des personnes handicapées dans le milieu de la déviance et du BDSM. Son but était de vérifier d’une part si ce milieu faisait place au dialogue en vue d’aborder la question de l’inclusion des personnes handicapées et d’autre part si ces dernières étaient parties prenantes d’un tel dialogue. Le projet visait aussi à jauger le degré de transposition, dans la sous-culture du BDSM, des valeurs sociales dominantes telles que de l’obligation d’être physiquement apte à l’action.

À l’aide de méthodes de recherche qualitative, Madame Paterson a recueilli des données auprès de personnes handicapées ayant différentes déficiences et possédant une expérience plus ou moins riche de la collectivité du BDSM. Tous les sujets avaient eu des échanges tantôt heureux, tantôt malheureux avec les membres de cette collectivité. Leurs commentaires positifs portaient sur les nombreux constituants de ce que l’on estime être la beauté.

Sur d’autres plans, chaque sujet avait son vécu propre. L’un d’eux a constaté que l’ouverture et l’accueil à l’égard des personnes handicapées étaient fonction de l’âge et de « l’ancienneté » au sein de la collectivité. Un autre a fait valoir que l’attitude et l’acceptation des individus lors de fêtes variaient selon le groupe ou la collectivité hôte, le genre d’endroit et la nature des jeux pratiqués.

Un sujet a fait remarquer qu’il était plus difficile de percer la collectivité parce que les intervenants ignoraient la perception qu’on aurait d’eux. Par ailleurs, selon certains sujets, les obstacles physiques et attitudinaux s’ajoutent aux obstacles économiques, étant donné le caractère onéreux des activités.

Il semble que les personnes handicapées qui veulent participer doivent démontrer au préalable qu’elles exercent la fonction de maître ou de dominateur, à savoir qu’elles prêchent l’exemple et dictent les comportements des autres. Quatre sujets ont fait état d’épisodes au cours desquels ils ont dû soit faire leurs preuves pour gagner l’appui des autres, soit prendre l’initiative des échanges avec ces derniers. Cette ligne de pensée s’inspirerait du souci d’assurer la sécurité des participants.

Certes, la sécurité est un facteur important qui pousse certaines personnes lors des fêtes à exercer une surveillance pour veiller au respect des règlements. Cependant, selon un sujet, les personnes handicapées se faisaient poser plus de questions que les autres.

À la lumière de ses analyses, Madame Paterson avance que l’obligation de faire ses preuves traduit des croyances solidement ancrées au sujet des personnes handicapées. À en croire les commentaires sur la diversité des individus et des corps que l’on trouve dans la collectivité, les personnes dont le corps n’est pas conforme à la norme peuvent miser sur un certain degré d’acceptation. Cependant, il n’est pas sûr que les personnes handicapées puissent paraître « acceptables ». La recherche démontre que la collectivité et le style de vie ont des répercussions positives sur certains participants. Par contre, le concept de sécurité peut servir de mode de contrôle de l’accès. Madame Paterson juge qu’à l’avenir, la recherche devrait s’attarder à la manière dont on muselle toutes les minorités sexuelles. En outre, elle devrait tenir compte du caractère politique que revêt la vie sexuelle des personnes handicapées.

Au cours de l’échange qui fait suite à l’exposé, on demande à savoir si les personnes handicapées se sont opposées aux tentatives de Madame Paterson d’aborder la question de leur vie sexuelle. La conférencière répond qu’elle s’est heurtée non pas à un refus explicite, mais bien à une résistance fondée sur le silence.

Un participant fait valoir que les personnes handicapées qui reçoivent un mauvais accueil de la part des collectivités peuvent opter pour des solutions plus risquées, notamment la drague en ligne. Ses données étant restreintes, Madame Paterson affirme ne jamais avoir observé pareille situation, mais avoue du même souffle ne pas y avoir réfléchi. Faisant écho au commentaire d’un participant, elle souligne que de telles collectivités peuvent servir d’arènes pour la négociation de l’identité, à la faveur d’un processus parfois non verbal.

En célébration de 20 années